
Photo : Vincent Arbelet
Jean-Philippe Naas
metteur en scène
Aux origines
Le théâtre arrive dans sa vie grâce à la documentaliste du lycée où il était surveillant. Elle cherche des accompagnateurs pour les sorties qu’elle propose aux élèves, il est curieux et c’est gratuit ! Durant deux années, il a la chance de fréquenter les principaux lieux de théâtre de Paris et sa banlieue.
Un premier choc : Elvire Jouvet 40 mis en scène par Brigitte Jaques-Wajeman. À cette époque, ses études à l’école du Louvre et la fréquentation assidue des œuvres d’art viennent peu à peu former son regard.
Lors de son stage de fin d’études de gestion de la culture (IUP Denis-Diderot Dijon) à la DRAC Nord-Pas-de-Calais, il se trouve pris d’une véritable boulimie de théâtre et de danse.
Deuxième choc : les « Flamands ». Anne Térésa de Keersmaeker, Alain Platel, Jan Lauwers, Jan Fabre entre autres bouleversent son parcours de spectateur et élargissent son regard de jeune adulte.
Arrivé au Théâtre Granit, scène nationale de Belfort, comme chargé des relations publiques, il pousse les portes du centre chorégraphique dirigé par Odile Duboc. Son enthousiasme pour la danse contemporaine lui donne envie d’essayer de quitter sa place de spectateur. Il en découle trois années de pratique, amateur mais intensive, de la danse contemporaine. À la même époque, il découvre le yoga.
Plus tard programmateur de spectacles pour le jeune public au sein de Côté Cour, il rencontre le metteur en scène Christian Duchange, directeur de la compagnie l’Artifice à Dijon. Il l’invite à le rejoindre comme administrateur.
À l’occasion d’une commande d’écriture passée à Christophe Honoré, il tente pour la première fois le rôle d’assistant à la mise en scène pour le spectacle Le Pire du troupeau.
Cette expérience laisse une empreinte décisive : il comprend qu’il ne pourra pas s’arrêter là. Sa pratique de la danse et du yoga lui offre alors des points d’appui précieux pour accompagner et diriger les acteurs.
En décembre 2001, il met en scène ANI-maux, un premier spectacle à partir de contes d’Alberto Moravia. Ainsi commence l’aventure de la compagnie en attendant…
Héritages et résonances
Pour Jean-Philippe Naas, sur scène, avant la parole, il y a des corps et un espace. Son approche de l’espace scénique est nourrie d’une double influence, picturale (sans doute héritée de ses études d’histoire de l’art) et chorégraphique.
Sa rencontre avec la chorégraphe Odile Duboc a été profondément marquante : elle cherchait par son observation des vols d’oiseaux et ses lectures de Bachelard les règles naturelles qui composent un espace. Sa pédagogie l’accompagne depuis ses débuts en tant que metteur en scène. Il y puise les bases de sa pratique avec les comédien.nes pour trouver une qualité de présence, mettre les corps en mouvement et habiter l’espace.
Au nombre des rencontres importantes qui ont modelé sa pratique, on peut également citer les spectacles du metteur en scène Claude Régy et l’écriture de Jean-Luc Lagarce.
Dans L’Ordre des morts, Claude Régy dit : « Le silence agrandit l’espace. La lenteur aussi. Il y a peut-être un rapport silence-lenteur-espace. Peut-être s’agit-il d’une même matière. Ce serait fou de ne pas la montrer. »
Chez Jean-Luc Lagarce, au-delà de sa langue si singulière, il aime ses personnages qui essaient de dire ce qu’ils pensent le plus justement possible, mais qui, finalement, le disent mal, creusant ainsi une distance au lieu de se rapprocher.
Un théâtre des interstices
Le silence dans le théâtre de Jean-Philippe Naas n’est pas un vide, c’est un temps habité. Il peut devenir passage, souffle, manière d’aller vers l’autre en empruntant des chemins que les mots ne savent pas toujours tracer.
Ce n’est pas d’un côté le silence et de l’autre les mots. C’est la vibration, fragile et féconde, née de leur tension, que Jean-Philippe Naas cherche à faire entendre dans ses spectacles, cet intervalle incertain où silence et parole s’éclairent mutuellement.
En équipe : le théâtre comme un sport collectif
Pour s’adresser à la petite enfance, il invite des illustrateur.rices : Vincent Godeau, Mélanie Rutten, Vincent Mathy, Laurent Moreau et Aurélien Débat. Créer en tandem suppose de prendre le temps de trouver un territoire commun, afin que chacun puisse finalement se reconnaître dans le spectacle. En une dizaine d’années, il a ainsi pu réaliser une « collection pour la petite enfance », qui comporte cinq spectacles, deux aires de jeux, une Fancy-fair et un Ours Rouge.
Avec l’auteur Denis Lachaud, c’est un compagnonnage de plus de quinze années jalonné par six commandes d’écriture : Les Grands Plateaux (2011), La Rivière (2018), L’Archipel (2021), Poséidon (2025), Cheval de Troie (2027), L’Édifice en construction (2029).
À l’origine de ces commandes : une intuition, ou un « point d’impact ». Denis Lachaud s’efforce ensuite de comprendre où se loge le désir profond de la commande, pour écrire un texte que chacun pourra reconnaître comme un objet familier, né de l’alliance de deux sensibilités, deux esthétiques.
Ensemble, ils tentent de questionner la famille, l’apprentissage, la transmission, la place du livre et des histoires dans la construction de l’individu… en se penchant particulièrement sur cette période si singulière de la vie qu’est l’adolescence.
À ses côtés se trouve aussi une fidèle et précieuse équipe de création et de production : la scénographe Céline Perrigon, la créatrice lumières Nathalie Perrier, la costumière Mariane Delayre, la compositrice Julie Rey, et l’administratrice et codirectrice Audrey Roger.